ANF: internés et prisonniers de guerre

1/ Pendant la « drôle de guerre » (sept 39 à juin 40)

Il est difficile de dresser une liste exhaustive des lieux d’enfermement des personnes jugées « dangereuse » pendant cette période. En effet, les listes varient selon les sources. Ce qui est sûr, c’est que, outre les nationalistes « locaux » (qui étaient enfermés avant le déclanchement de la guerre), le gouvernement français a interné les communistes (en raison du pacte germano-soviétique) et les ressortissants allemands (dans des C.R.E. – centre de rassemblement des étrangers-)- sauf s’ils s’engageaient dans la légion, ainsi que les réfugiés espagnols (certains entreront dans la légion étrangère, d’autres dans des régiments de travailleurs étrangers). Mais cela n’est pas spécifique à l’Afrique du Nord. Selon l’ouvrage « les indésirables », environ 1 500 allemands (résidents en ANF ou marins de passage lors de la déclaration de guerre) sont internés dans une cinquantaine de CRE. Puis, en juin 40, c’est au tour des italiens (beaucoup plus nombreux que les allemands) d’être internés dans des CRE. Existent aussi depuis novembre 39 des Centre de Séjour Surveillés (CSS) pour  les individus dangereux pour la défense nationale. Ces centres existeront tout au long de la guerre, et ont aussi leurs propres cachets de censure.

Les internés civils (et les légionnaires) allemands pouvaient correspondre avec leur famille en Allemagne via la Croix Rouge.

Des espagnols ont, comme en Métropole, été internés dans des camps quand ils ont fui la guerre civile espagnole (1936-1939). Beaucoup d’entre eux ont été intégrés dans des bataillons de travailleurs étrangers (voir l’exemple de l’enveloppe ci-dessous, scan d’un magazine):

2/ Période « Vichy » (juillet 40 à novembre 42 – mai 43 en Tunisie)

Aux communistes s’ajoutent les juifs étrangers (présents en ANF ou transférés depuis la zone libre) à partir de juillet 1940. L’ouvrage « L’empire colonial sous Vichy » indique que plus de 30 camps (CSS – centre de séjour surveillé pour étrangers indésirables- : l’Algérie sert de terre de déportation pour ces indésirables transférés depuis la métropole) existaient entre le Maroc et l’Algérie (et une dizaine en Tunisie). Après l’arrivée des troupes allemandes et italiennes en Tunisie, la situation est plus « brutale » (novembre 42 à mai 43): plusieurs milliers de personnes internées dans des camps sont contraintes au travail forcé. En outre, en Tunisie, en raison de la présence allemande fin 42, de très nombreux juifs sont raflés et internés dans des camps de travail. Mais, pour des questions « logistiques », seules quelques dizaines seront déportés de Tunisie vers les camps de la mort

Quelques noms de camps : Boghari,Bossuet, Djelfa (fort Caffarelli), Hadjerat M’Guil (Algérie), Gabès, Kasserine en Tunisie, Bou Arfa, Bou Denih, El Ayasha (au Maroc). Mais il en existe beaucoup d’autres. Existent aussi les CTE (compagnie de travailleurs espagnols puis étrangers), les GTE (groupement de travailleurs étrangers).

Les correspondances postales  des internés sont lues à l’arrivée et au départ (2 par semaine au départ). Le cachet de censure est « Camp de … censuré ».

Les soldats anglais fait prisonniers entre mi 40 et fin 42 étaient internés dans les camps de Medea et Aumale, en Algérie, avant d’être transférés au « camp des internés britanniques » de Laghouat  200 km au sud d’Alger. Les civils de ce pays ont été internés.

Ci-dessous : un extrait de timbres magazine: lettre postée par par un interné dans le centre de séjour surveillé de Bossuet, scan extrait du site Delcampe est aussi celui d’une lettre postée par un prisonnier du même camp (Bossuet) et, en dessous, une lettre (de ma collection) postée en aout 45 par un interné au centre de Bossuet.

 

3/ Après le débarquement en Afrique du Nord (novembre 42)

Lors de l’arrivée des troupes alliées, il y avait environ 15 000 détenus politiques en ANF (dont 3 000 républicains espagnols à El Ayasha au Maroc). Leur libération prendra plusieurs mois, Giraud freinant leur libération.

Suite au débarquement, les civils allemands et italiens présents sur place sont à nouveau internés (ainsi que des français « pétainistes » – voir carte ci-dessus du camp de Bossuet))

Après la « reprise » de la Tunisie par les alliés en mai 1943, de nombreux italiens (environ 40 000) et allemands (environ 25 000) sont internés en Afrique du Nord dès 1943, répartis dans 30 dépôts (soit environ 60 000 prisonniers). Un article du CCSG indique que 240 000 soldats de l’Axe sont fait  prisonniers : cela signifie que de nombreux prisonniers ont été transférés hors d’ANF. Des français (collaborateurs) sont aussi arrêtés et déportés en Italie.

Ces camps étaient gérés par les alliés ou par les français. Des formulaires spécifiques existent, bilingues (allemand-anglais ou italien-anglais) et trilingues (anglais-français-italien).

Les catalogues de Deloste, de Stich, de Stephan (Kriensgefangenenpost Deutscher Soldaten und Internierter)  listent un certain nombre de camps pour prisonniers de l’Axe, mais leurs listes sont  loin d’être complète (et les listes des 3 catalogues divergent !, en particulier car ils peuvent donner des noms différents pour le même lieu d’internement : celui de la ville, de la caserne et plusieurs camps ont porté le même numéro du fait du déplacement de certains d’entre eux mais aussi de la création de nouveaux camps satellites à proximité des camps principaux.) :

Algérie

Camps pour allemands et italiens gérés par les français

Dépôt n° I : Geryville (allemands)

Dépôt n° II : Le Kreider, Saint Denis du Sig (italiens)

Dépôt n° III : Boghar (autrichiens, selon certaines sources)

Dépôt n° IV : Laghouat, Djelfa (allemands)

Dépôt n° V : El Guerra, Guelma, Constantine (italiens et allemands)

Dépôt n° VI : Saïda (italiens – officiers ?-)

Dépôt n° VII : Palat (Alger) Italiens

Dépôt n° VIII : Carnot (Alger) Italiens

Dépôt n° XII : Tiaret Allemands (officiers ?)

Mais des camps étaient aussi gérés par les anglais. Entre autre, les camps 203 et 211 près d’Alger : ces camps étaient considérés comme « temporaires », avant le transfert des prisonniers vers des colonies anglaises (Egypte principalement)

Tunisie

Dépôt n° XV : Bizerte

Dépôt n° XVI : Tunis

Dépôt n° XVII : Zaghouan-Laverie

Dépôt n° XVIII : Matmata, Gabès, Sfax

Un grand camp, géré par les anglais, était situé près de Tunis, à Kasser Said

Enfin, la carte de prisonnier d’un italien capturé à Gabès, en Tunisie le 7 avril 43, transféré dans le camp 313 (à priori à Tripoli, en Libye) puis dans le camp 308 en Égypte (Fayid) et enfin dans le camp 307, toujours en Égypte (Fanara) avant d’être rapatrié en septembre 1946:

Maroc

Dépôt n° XXII : Ouarzazate

Dépôt n° XXIII : Midelt

Dépôt n° XIV : Ramram

Dépôt n° XXI : Bou Arfa

Dépôt n° XXV : Kasbah Tadlah puis Port-Lyautey

Dépôt n° XXVI : Marrakech

Dépôt n° XXVIII : Ksar El Souk

Dépôt n° XXIX : Casablanca

Les camps américains sont difficiles à localiser. Il en existerait 35 en Algérie, 5 au Maroc

Les courriers des prisonniers dans les camps américains portent le terme de NATOUSA (North Africa Theater of Operation), l’indication PWE (Prisonier of War Enclosure), le lieu de capture (81 pour l’Afrique du Nord), la lettre I si le prisonnier est italien, G s’il est allemand parfois le nom de la ville.

Quelque soit la période, les camps disposent de leur propres cachets de censure.

Enfin, il est à noter que des camps pour collaborateurs (pro-Pétain) ont été ouverts

Le catalogue de Wolter (Postalzensur) signale 2 cachets de censure : un à Geryville et un à Akbou (camp d’internement pour les femmes, situé au sud-est d’Alger)

4/ Soldats d’Afrique du Nord prisonniers des allemands

A la différence des prisonniers « de souche » française – qui ont été envoyés dans des camps en Allemagne-, la plupart des soldats d’origine nord-africaine (et sub-sahariens) sont  restés dans des Front stalag situés sur le territoire français.

Par contre, les prisonniers de guerre français sont envoyées sur le territoire du Reich, et les correspondances avec les familles suivent les même règles qu’avec les familles vivant en métropole, tout au moins jusqu’au débarquement de novembre 42 (elles transitent par la Suisse ou la GB) :

 

Un peu « hors sujet », lettre envoyée par un notaire de Rabat pour un prisonnier au camp de concentration de Miranda, en Espagne. Dans ce camps, les espagnols internaient (entre autre) les français qui franchissaient les Pyrénées pour se rendre en Afrique du Nord

 

Enfin, il est à noter que les correspondances des prisonniers italiens du Reich (après la reddition de l’Italie été 43) à destination des zones sous contrôle des alliés (après le débarquement allié en Italie) peuvent transiter par l’Afrique du Nord, où elles peuvent être censurées

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